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Photo du rédacteurCretté Alexandra

Fuir pour mériter sa survie - un poème de Jameson Marcelin


Ici le ciel est un arbre aux racines sanglantes

Enrobé de branches aiguillonnées

Mortel est le soleil de cette terre

Mortel pour les oiseaux migrateurs

Ces oiseaux n’ont que le bec comme destination

Le sourire sauvage du vent courroucé de la fête des pâques

Des oiseaux nés absents

Nés à la porte de sortie

Nés pour fuir le pays


Le mal de ce pays est un essaim de poussières

Il se répand en vitesse sur les plus sombres frontières de notre enfance

Nous portons en nous le désir d’ailleurs

Comme une veine prolongée qui éclot notre sang de ses entraves

Ici, il n’y a qu’en fuyant qu’on puisse mériter notre survie !


Chaque oiseau migrateur d’ici

Porte des souvenirs macabres sur ses ailes tachées

De sang

De violence

D’amertume

Des souvenirs, ils en ont autant que des plumes sur les ailes.

Où iraient-ils ?

Qui sont-ils pour la terre qui les a vus naître ?

Ou encore qui étaient-ils pour cette terre ?


Là où nous irons

La mer ne sera plus une paille inopportune tombée sous la main creuse de nos yeux

Nous serons loin de Martissant

Suffisamment loin De Croix des bouquets

Ces villes de tessons de bouteilles

Où nous avons dû marcher sur la pointe des pieds pour les traverser…

Par ce qu’ici, chaque étranger-natif

Porte une enfance de papier sur le bout de ses lèvres


Le pays que nous fuyons

Toutes les saisons se nourrissent de l’écume des plantes mortes

Notre sang, nos pleurs

Tissent la toile de la rivière grise et du fleuve de l’Artibonite

Pour nous draper en noir

L’épave des miens égorge nos villes à mains nues

Le cimetière de Port-au-Prince sillonne la ville à quatre pattes

Les espèces se vengent

Ils trinquent et boivent leur nuée de rage

À la mémoire du chaos


Seule Deborah connaît le poids de la culpabilité humaine à la rue Capois

Les vieillards se font abattre avec leur tombe sur la tête

J’ai vu des morts, encore des morts étalés

Comme un paillasson à l’entrée de Port-au-Prince

Nous avons laissé derrière nous la fleur du chêne

Comme une fleur où la sève sanglote

FUYONS !

JAMAR






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