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Maison en ruine, récit-poème de Télumé

Photo du rédacteur: Stéphane THOMASStéphane THOMAS

Maison en ruine

Ceci devait être un poème, cossu, monté pour plaire.

Il n'en est rien.

Deux mille vingt cinq années de morts innaturelles,

de guerres pour exister, de spoliation de terres, de

prolongement indéterminés d'humains, vieillis et

décidant du sort tout entier de la planète, sous

couvert de consultations fictives, grossières et

théâtralisées.

À l'image d'un bâti jadis empli de folles âmes, il

ne reste que les miettes d'un monde sali par ceux

qui le peuvent.

Perché sur sa colline verte et protégée, l'ancien

hôtel de Montabo est devenu la boule de crystal des

civilisations qui s'affairent à piédestaliser le

bien-être hédonique.

La vaine recherche du bonheur, d'une stature, d'un

outil, sans jamais y opposer les limites de leur

utilité et de l'atmosphère. Les intentions de

construire une nation de plastique ont surpassé – de

loin – les paroles qu'entonnaient Steel Pulse dans

Wild Goose Chase.

Que dire de nous, poètes, qui ne parlons que peu de

cet état physique du monde ?

Ses humeurs nous transpercent et de belles

traductions en émergent.

Pourtant, la maison s'effondre et nous risquons par

orgueil de ne plus en faire partie.

Ce que je porte à vous, camarades de prose, est une

pensée sur la pollution ambiante, les formules

alimentaires qui n'ont rien de nourriture. Les eaux

abondantes qui disparaissent. Les réseaux souterrains qui se dessèchent, les cellules

mitraillées de poison.

Quelle place prend alors le beau, l'affreux, les

luttes personnelles, dans un espace commun que nous

manipulons à outrance pour nos desseins? Il est

vrai que ce «nous» se doit d'être plus précis,

cependant les activités humaines exercées sur les

non-humains sont telles, qu'aujourd'hui la

responsabilité de la Catastrophe est portée par tous

ceux qui ne peuvent échapper aux systèmes

mondialisées, aussi injuste que soit cette

implication.

Coupables nous sommes, d'avoir suivi la meute au

bord du précipice. D'autres chemins sont possibles,

encore faut-il avoir envie de les prendre. Nos tares

originelles ont troqué leurs habits de lumières

contre des fibres hautement synthétiques. Nos

luttes, nos cris de peine retentissent en silence

dans l'Habitation que nous feignons d'avoir quitté.

Le temps du marronnage est certain pour la liberté

des Humains, incarcérés dans l’immatériel pièce

montée. Quoique le confort, parasite audacieux, ait

déjà gagné bien des corps. Serons-nous faire face à

la rudesse des travaux que nous avons nous-mêmes

créés?

Poètes, vous l'aurez compris, la maison est en feu.

Sommes-nous les artisans-pompiers ou les passants

qui en décrivent les derniers instants ? À cette

image se verse cette réflexion : les ruines ne

s'observent que dans les temps présents. Et sur les

ruines, toujours, se réinvente la Vie. Adviendrons-

nous à la contempler et en décrire ses formes

nouvelles? Ou serons-nous la litière de cendres

d'un genre nouveau?



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