Maison en ruine
Ceci devait être un poème, cossu, monté pour plaire.
Il n'en est rien.
Deux mille vingt cinq années de morts innaturelles,
de guerres pour exister, de spoliation de terres, de
prolongement indéterminés d'humains, vieillis et
décidant du sort tout entier de la planète, sous
couvert de consultations fictives, grossières et
théâtralisées.
À l'image d'un bâti jadis empli de folles âmes, il
ne reste que les miettes d'un monde sali par ceux
qui le peuvent.
Perché sur sa colline verte et protégée, l'ancien
hôtel de Montabo est devenu la boule de crystal des
civilisations qui s'affairent à piédestaliser le
bien-être hédonique.
La vaine recherche du bonheur, d'une stature, d'un
outil, sans jamais y opposer les limites de leur
utilité et de l'atmosphère. Les intentions de
construire une nation de plastique ont surpassé – de
loin – les paroles qu'entonnaient Steel Pulse dans
Wild Goose Chase.
Que dire de nous, poètes, qui ne parlons que peu de
cet état physique du monde ?
Ses humeurs nous transpercent et de belles
traductions en émergent.
Pourtant, la maison s'effondre et nous risquons par
orgueil de ne plus en faire partie.
Ce que je porte à vous, camarades de prose, est une
pensée sur la pollution ambiante, les formules
alimentaires qui n'ont rien de nourriture. Les eaux
abondantes qui disparaissent. Les réseaux souterrains qui se dessèchent, les cellules
mitraillées de poison.
Quelle place prend alors le beau, l'affreux, les
luttes personnelles, dans un espace commun que nous
manipulons à outrance pour nos desseins? Il est
vrai que ce «nous» se doit d'être plus précis,
cependant les activités humaines exercées sur les
non-humains sont telles, qu'aujourd'hui la
responsabilité de la Catastrophe est portée par tous
ceux qui ne peuvent échapper aux systèmes
mondialisées, aussi injuste que soit cette
implication.
Coupables nous sommes, d'avoir suivi la meute au
bord du précipice. D'autres chemins sont possibles,
encore faut-il avoir envie de les prendre. Nos tares
originelles ont troqué leurs habits de lumières
contre des fibres hautement synthétiques. Nos
luttes, nos cris de peine retentissent en silence
dans l'Habitation que nous feignons d'avoir quitté.
Le temps du marronnage est certain pour la liberté
des Humains, incarcérés dans l’immatériel pièce
montée. Quoique le confort, parasite audacieux, ait
déjà gagné bien des corps. Serons-nous faire face à
la rudesse des travaux que nous avons nous-mêmes
créés?
Poètes, vous l'aurez compris, la maison est en feu.
Sommes-nous les artisans-pompiers ou les passants
qui en décrivent les derniers instants ? À cette
image se verse cette réflexion : les ruines ne
s'observent que dans les temps présents. Et sur les
ruines, toujours, se réinvente la Vie. Adviendrons-
nous à la contempler et en décrire ses formes
nouvelles? Ou serons-nous la litière de cendres
d'un genre nouveau?
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