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Photo du rédacteurCretté Alexandra

Pendre ses responsabilités - tissu poétique de Loran Kristian

Dernière mise à jour : 13 oct.


« Dis ya generation, Nah tek no talk, Nah trust the shadow after dark. Violate di nation, Di Gideon kick off, When time di Rastaman a wrath. »

Samory I

 




La relation asymétrique et conflictuelle demeure au cœur des virées et dérivées. Où l’on voit le grand et le petit bourgeois se faire une guerre artificielle, la délinquance se trouver à portée de rue, et le bloc intellectuel des profiteurs fondre les responsabilités. Comment répondre de ses actes dans un système de règles invivables, consumatrices d’existences ? Comment jouer avec des joueurs qui conservent la main sur la scription, la délibération et la validation de l’ensemble des parties ?











Ces mêmes, détenant pouvoir politique et économique, ordonnant les termes de l’échange, parlant pour ceux qu’ils représentent comme pour les autres. La dissimulation des mobiles et des motifs ayant conduit à la situation demeurant en creux des analyses et des régimes de vérités. A commencer par l’alliance entre les forces agissantes. Ce qui conduit immanquablement à l’absolution pour tous, donc de manière inévitable à l’irresponsabilité générale. Par où l’on fait entrer l’abstraction et « le système » par la fenêtre, capitaliste ou coloniale, périphérique comme outre-mer, dilatant l’examen minutieux et raisonné des responsabilités de chacun et de chacune, selon son investissement dans la grande distribution du profit. La focale sur un groupe minoritaire, ce groupe de dominés passé à l’activisme désobéissant, facilitant toutes sortes de manœuvres dilatoires.













Sur le pas de la porte, la majorité citoyenne : préférant le zouk-accras-boudin au désordre. Majorité raisonnable acceptant l’architecture des pouvoirs que la démocratie déclare être de sa souveraineté. Architecture dont la disposition et l’ordonnance maintiennent l’ordre préférable. Ordre qui permet à la violence légitimée par voie de fait, de tenir sur une ligne d’horizon entre vérités et mensonges. Son credo : le devenir tutélaire. Ce lien de dépendance, désir de protection passé dans l’esprit et le corps, avec l’intensité variable du courant. Désir d’être tenu gardé comme l’enfant ou l’être avancé dans le temps, sous protection d’un plus fort que soi. Désir d’un corps social devenu suffisamment responsable de ses actes pour assumer pleinement ses choix, ses volontés ; suffisamment conscient des reliefs du terrain pour mettre en œuvre des stratégies de survie, de résistance ou d’émancipation ; suffisamment au fait de la complexité de l’existence pour comprendre, ou contenir en soi, les solutions diverses et dissolutions prévisibles. Et pourtant, corps en transformation continue mais dans le cadre inchangé des structures d’ordonnancement, de soin et de tutelle.











Dès lors, quand survient par infiltration lente des colères et oppositions à la norme, un effritement d’autorité, quand la contestation du pouvoir et le soulèvement de certains membres rendent friable l’imaginaire protecteur, c’est aussi le moment ou la transformation tourne en catastrophe. De là, des lignes de force se retournent vers le bas, dans une course elliptique autour d’un centre plus ou moins fixe, centre des résistances et inconduites dressées devant l’aiguillon du pouvoir politico-économique. Personne n’y pouvant rien, car la liaison d’un désir de justice et d’un besoin vital emmène à des rapports humains d’intensité nouvelle. Aussi, ce désir et ce besoin largement partagés, cet ensemble localisé tant que multiplié, échappe à la grand-messe prédatrice et multiforme des puissances collusives. D’où la frayeur et la terreur en forme responsoriale.










L’économique politisé aussi bien que le politique économique se chargent ainsi d’une seule et unique mission partagée : réduire au maximum, sinon à néant, toutes les insoumissions, les désobéissances, les contre-conduites et les contre-pouvoirs. En la matière, salir l’eau de la communication en plongeant la résistance dans le bain de la délinquance, nous rappelle combien se trouver à l’horizontale peut parfois effrayer. L’une des plus grandes peurs, en société bourgeoise, demeurant qu’une frange sous-prolétarienne de déclassés et de voyous bande un bon matin une conscience politique, en lutte organisée. Bondieu, seigneur ! La narcopolitique !! A l’aiiide…













Pourtant, nous y sommes bien à cette croisée par quatre chemins. Cette passe d’où par force de tourner en rond, prend un étourdissement gamé du vertige de savoir. Ce lieu où l’on sait en revanche que désormais, rien ne sera plus comme avant. Ce point de non-retour si souvent atteint puis dépassé, et qui sans cesse revient, malgré le quadrillage et les aménagements, nonobstant les récupérations et conductions des pouvoirs. Celui à partir duquel les forces de l’ordre pointent les traumas, les impuissances, incompétences, syndromes et rancoeurs qui nous habitent en grand, et qui, dans leur surplomb mielleux, jettent le bébé et l’eau du bain pour se noyer de raideurs inconnues.










Mais nous ne pouvons végéter à ce stade de la réflexion. Prétendre des remises en question et des remises en cause, vouloir rêver de mondes nouveaux, de possibilités nouvelles, sans penser contre les évidences et donc d’abord contre soi-même, contre privilèges et pouvoirs. Le privilège de manger et de boire à volonté. Le pouvoir d’acheter ce que nous désirons manger ou boire. Le privilège de dormir sur deux oreilles, sans que la pluie ne mouille ou que le bruit alentour nous empêche. Le pouvoir de se lever le matin pour aller travailler sans trop attendre, sans trop marcher, sans transpirer. Le privilège de faire sa route sans avoir à croiser la délinquance, le racket, la menace. Le pouvoir de payer pour se soigner ou se tirer d’affaire. Le privilège d’aller se faire voir. Le pouvoir de se faire entendre. Le privilège de prendre des vacances. Le pouvoir de prendre l’air et partir.











D’un air irrespirable. Un air à quatre murs, qui stagne dans le mouvement inerte, dans les ressorts secrets et la suffocation. Une pièce étouffée de cordes et d’amarres, de tiges souterraines tout à l’horizontale, en feuilles réduites à des écailles, bourgeons, et tant de noeuds capables de sauter comme de plonger abîme. Commune strangulation.











Alors quand un cri s’entend à chaque coin de rue, sous un nombre insensé de peaux et de tissus, tout un voyage de pleurs à travers la victoire se laisse traire, parmi ces étouffements et ces strangulations, sous le poids d’intimidation. Mais chaque descente de larmes accroissant les forces et résistances, s’oppose à la compagnie républicaine une compréhension du jeu, une duplicité volontaire et raisonnée, pour mieux soustraire le corps aux coups et aux blessures. Soustraire, pour mieux mangler les espaces inconnus de l’ordre et des pouvoirs : les cœurs, les esprits et les âmes, formes-consciences qui ensemble emmanchées dans les arcanes, sous les tôles cachées, peuvent faire la pluie et le beau temps, élire et destituer.












Quand le pouvoir violé, volé, se représente sous la forme d’un être devenu supérieur par agencement répressif et ordonnance coercitive, chaque parcelle de vie pourrait utiliser le déplacement du vide pour tirer la ficelle à sa portée, puis fonder en inspiration de meilleurs lendemains. Comment construire une liberté plus vaste, émancipée, un ensemble main en main qui se manifeste en peuple, quand toutes les voies respiratoires sont obstruées par les puissances d’argent et les pouvoirs de fer ?








Craser. Peu importe la manière et la forme, craser l’architecture funeste. En mouvement de création et d’arase, remettre à niveau de vie, en élevant les parties basses à la hauteur des autres.










Egaliser le devenir politique, la force d’influer sur le cours du temps et de l’espace. Observer les messes de marmailles jouant dans les selles de l’institution. Déborder du cadre, désobéir, incorrection disciplinée ; faire vivre des intensités sans manman sans papa, pousser des radicalités nouvelles défiant la violence politique exécutive, yeux dans yeux. Bien faire, comme prendre des parts de marché, des postes d’élection, des droits de grève, des blocs de cité. Ne plus laisser tranquille le chat, la chienne, le rat, le loup. S’il est vrai que j’existe au hasard, c’est que le sort en est jeté. Si donc, tentons de concevoir un avenir où nulle démission intellectuelle, aucune absence de vue, aucun retrait du corps n’auraient lieu, tant que la confusion des représentations et mandatements produira force brigue et vile subornation. Un avenir ou l’inspection générale du corps social trouvera à côté de la machine institutionnelle et dominante, un corps de dominé qui ne joue plus à saute-mouton et cheese pour la photo.







Un corps à l’étude de toutes les médiations, des intermédiations, des comptes, bilans et chiffres d’affaires, des jurisprudences, et des actes administratifs, sans même parler des traités, des règlements, des directives, constitutions, lois, décrets, arrêts et circulaires. Un corps expert en welto, en wey-ou-pa-wey, en compère lapinisme, logique du pourrissement, i-bon-konsa, i-pasé-bel, et autres ritournelles. Ceci se nomme perdre confiance en l’architecture de la cité mais, a contrario, avoir confiance en soi et sa capacité à construire. Ceci advient par le fait de mesurer l’écart entre la théorie ou l’analyse éthérées qui dissolvent les responsabilités à l’endroit, disculpent les responsabilités locales et les responsables en place, pour imputer l’affaire à une singulière singularité systémique.








Mais quand le soulèvement des misères et ventres vides s’accompagne d’une clarté divine, l’écueil d’élite se change en banc de sable à la surface des eaux. D’où l’on décrypte les roches et les cayes nombreuses. Nous savons, par cela, qu’aucune autorité étatique ou territoriale ne créera autre chose que les conditions du recouvrement de la surface comme du fond de l’affaire, conditions de récupération des désirs et des volontés de justice par la disciplinarisation du débat, ou de la lutte selon les modalités « adéquates ». Autrement dit, la rentrée dans les clous et dans le rang. Rentrée scolaire qui met à couvert l’uniforme de l’organisation asymétrique : le bloc politique et économique de l’ordre institutionnel VS la frange contestataire de l’ordre établi.







Ainsi vont les jonctions, ainsi font les disjonctions.  Dans la zizanie, pour mieux séparer le bon grain de l’ivraie, ne pas rester loli, envivré par une mauvaise herbe. Le plus difficile à faire dans un champ de familles est aussi paradoxalement le plus simple : se dire les choses franchement, à l’abri des regards extérieurs. Bien souvent, cette franchise accordée dégénère en éclats de voix, en gestes inconsidérés, mais il arrive aussi que l’art débouche heureusement un couvert pressuré, et qu’au final, chacun-chacune doivent répondre en conscience de ses paroles et de ses actes, à l’écoute d’une palabre faite d’honneur et de respect.









Sous l’arbre à paroles, le mensonge pousse à découvert, aucune foliation véritable ne supportant le poids des tiges de douleur. C’est donc d’extirper au feu qu’il s’agit. Le feu de la parole qui met la matière en mouvement. Une matière dé-terminée. De celle qui déborne et déborde les limites, ouvrant d’autres chemins de mobilisation, des surgissements de forces physiques et spirituelles. Des irruptions soudaines du politique, en dehors des règles instituées et mécaniques assermentées, qui détiennent le pouvoir de faire marcher les assises et les bases des murailles. Un imprévu groupé en petit nombre, dont la mathématique résonne dans la pluralité, l’ensemble et la correspondance, dans le possible indéfini…









Cette chose dont la morphologie particulière épouse les formes et structures de l’emprise. Cette chose dont l’anatomie dissèque les rapports des organes et des tissus du corps. Qui devine par voie de conjecture et certitude qu’il faut accompagner les prises de vérités au plus large des positions. Que cet élan ne sera essentiellement alimenté que part le sans-pouvoir et le sans-voix indéfinis, mais déters. Le catégorisé violent. Accusé contre qui la parole grage échoue, la parole dominante fixant le prix à payer, sa valeur propre, sa valeur sale ; toute la chaîne de valeur. Mais mòso-femme et mòso-homme, de classe identifiée dangereuse et défectueuse, du genre incontrôlé. Et pourtant troupe convoquant l’action politique des dominés sur un sommet de peurs inhabituelles, du haut desquelles rien ne change, tout se transporte. Marchandises comme Humains.








C’est la loi de la retombée qui inquiète au moment des acmés. Les renversements et surgissements ayant la fâcheuse habitude de revenir dans le giron, dans le sein de maman, au centre du commerce triangulaire. Dans l’attente, vous priant d’agréer bien cordialement l’expression de hautes considérations. Vous passant par tous ses états, inquiétude, agacement, exécration, refoulement, déplacement, agression, choc. En perte de temps, quand vous ne trouvez pas le moyen de vous entendre dans la cohue, la possibilité de vous parler à vous-même, en confiance et confidence, sans avoir rien à cacher. Faire l’œuvre d’une petite justice pour un petit moment, un point où le mouvement sait ne pouvoir tenir sans l’énergie alimentée des forces et fermetés massives. Un point de rassemblement où chacun porte son linge sale, troué, mais vient debout dans ses souliers, en connaissance de cause ultime, la chose publique asymétrique, le chef d’état maladif, leur violence légitimée par l’histoire et la géographie, mais vient debout sans oublier les siècles de résistance, les bruits de chaînes rompues de tambour dans le bel air empoussiéré.












Faire l’œuvre d’une petite justice pour un petit mouvement démarré aux entrailles. S’accorder à dire les vérités que l’on ne saurait voir, les suites de la conciliation n’étant pas du ressort des gens de puissance et des gens de pouvoir. Le jour d’après, miracle de rosée, se construisant à vol d’oiseau et non de séancier ; pas plus dans l’envolée lyrique qu’aux angles morts des cartographes, mais dans l’humble participation des corps en lutte, des esprits au combat, les sens à cœur ouvert.

 


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