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Photo du rédacteurCretté Alexandra

Printania- Dancing - une nouvelle de Miguel Duplan


Ils étaient toute une flopée de Frères Magnifiques gesticulant sur la petite scène. Du moins, ils s’étaient annoncés comme ça. Ma Très Grande Sœur qui aimait les musiques de bons alois et qui n’avait trouvé personne pour me garder, m’avait littéralement embarqué ce soir-là avec elle. Nous étions donc dans un trou perdu, tout près de la mer angoissée de Fond Saint-Jacques, dans une paillote malpropre qui s’appelait Printania-Dancing. Sur le coup, je devais être le seul petit garçon de cette aventure-là. Un bourdonnement nous accueillait dès l’entrée. Ce n’était pas de la musique seulement. C’était un bruit sourd, électrique, explicitement cru. Une sorte de ruche en ébullition. Un émoi. Et tout ça prenait vie devant moi. Déjà, Ma Très Grande Sœur avait compris qu’il fallait que je sois seul pour régler cette affaire-là : elle s’en était allée prestement dans les bras d’un cavalier. Dès les premières notes du morceau suivant, ces Inestimables Frères déclaraient tout de go venir de Pétion-Ville. Et le peuple reprenait en chœur : éhéhéhé. A la mesure suivante, ils réaffirmaient encore qu’ils habitaient Pétion-Ville. Et le peuple inlassablement reprenait en chœur : éhéhéhé. Et à cet instant, au beau mitan de ces paroles opalines, les couples enlacés s’encastraient les uns dans les autres. Les hanches des uns recherchaient les hanches des unes. Les fesses des unes tournoyaient sur le devant des autres. De derrière son bar, le préposé avait des yeux cotonneux qui empoignaient toute cette hystérie et les resquilleurs assoiffés n’en profitaient même pas. Ils s’engouffraient eux aussi dans le son qui cadenassait leur cœur tout entier. Ils sautaient comme surpris et ils reprenaient éhéhéhé comme dans une sorte d’hébétude indulgente. Et ce soir-là, les Frères Déjean qui avaient suffisamment fait suer tout ce monde-là, proclamaient enfin : Haïti Chérie, je t’aime ! , et cette prière se propageait dans toute l’assemblée jusqu’au bout de tout le bout du monde et je reprenais comme tout le monde d’ailleurs, sans doute délivré d’un quelconque malheur : Haïti Chérie, je t’aime.


Sainte-Marie, fin janvier 2010













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